Mark Orme
‘Camus et les
défis de la démocratie au 21e siècle ‘
En 1947, Camus écrivait dans Combat : “ Il n’y a
peut-être pas de bon régime politique, mais la démocratie
en est assurément le moins mauvais “ (II, 319). Toute sa
vie, de la défense des victimes de l’injustice coloniale
en Algérie à son soutien aux victimes de l’intolérance
internationale, il a fait campagne pour les droits civils en rapport
avec sa conviction profonde qu’il fallait “ diminuer la
somme de malheur et d’amertume qui empoisonne les hommes “
(Corr, 23). Son désir de concilier la justice sociale avec la
liberté de la responsabilité individuelle se manifestait
dans la démocratie libérale qui, pour Camus, représentait
la meilleure réponse au nihilisme au “ siècle de
la peur “ (II, 331). Aujourd’hui, au début du nouveau
millénaire, les défis de la démocratie auxquels
Camus restait sensible informent encore l’imaginaire collectif.
Dans cette communication, je me propose d’examiner, à travers
une optique camusienne, trois cas contemporains où les défis
de la démocratie sont très critiques. Dans un premier
temps, j’analyserai la situation actuelle en Afghanistan, pays
ruiné par la guerre civile et opprimé par le Taliban,
avant de devenir la cible principale de “ la guerre contre la
terreur “ déclenchée par la coalition ouest à
la suite des événements du 11 septembre 2001. Que peut
Camus nous dire pour nous aider à faire face aux défis
de la sécurité, la pauvreté et la réédification
au cœur de cet endroit fragile qui se voudrait pays démocratique
? Dans un deuxième temps, je prendrai l’exemple de Kosovo,
région gouvernée par la communauté internationale
depuis cinq ans et où les rivalités ethniques continuent
à poser des obstacles sérieux pour la stabilité
démocratique. Devant une situation tellement instable, quelles
sont les leçons à tirer de la situation de l’Algérie
dans les années 1950 qui avait représenté pour
Camus “ une tragédie personnelle “ (II, 992) ? Enfin,
je m’occuperai de la situation en Iraq pour évaluer la
contribution de la pensée éthique et politique de Camus
à l’avenir de ce pays qui tâtonne, d’un pas
incertain, vers la démocratie. Contre la justice totalitaire,
Camus accueillait la démocratie, “ l’exercice social
et politique de la modestie “ (II, 1580), comme base de la “
civilisation du dialogue “ (II, 348) qu’il espérait
tant. Comme j’espérerai démontrer, ce désir
de faire régner dans le monde les principes démocratiques
de la tolérance et de l’entente mutuelle reste aussi important
aujourd’hui que du vivant de Camus.