Virginie Lupo

‘Albert Camus au XXI e siècle’

Au lendemain du 11 septembre 2001, face à ces images incessamment rediffusées, face à l’horreur faisant irruption dans le quotidien de millions d’Américains et de téléspectateurs médusés, de nombreuses voix de journalistes, de philosophes ou de simples citoyens s’élevèrent pour dire qu’il y aurait désormais un avant et un après 11 septembre. Seuls quelques sceptiques déniaient cette affirmation. Les autres craignaient que désormais le crime soit légitimé, que la terreur règne à nouveau sans partage dans le monde et qu’une guerre de religion n’éclate… Puis il y eut la guerre en Irak…
Devant ce concert de consternations et de souffrances, comment ne pas penser à Camus, comment ne pas avoir envie de se replonger dans ses écrits et notamment dans l’Editorial de Combat du 8 août 1945. Le 6 août avait eu lieu le bombardement atomique d’Hiroshima et Camus écrivait : « Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques ». Cette phrase a plus de cinquante ans et pourtant son actualité est toujours patente.
Mais celle-ci n’est pas l’apanage des éditoriaux de Camus ; son théâtre nous apparaît comme tout aussi proche. Trois de ses pièces traitent du terrorisme et celles-ci ne cessent de raisonner chez les lecteurs contemporains que nous sommes. Il s’agit de Caligula, créée en 1945, de L’État de siège, créée en 1948 et des Justes, créée en 1949. Toutes trois s’accordent à refuser la légitimation du meurtre et la justification de la fin par les moyens. Ce que montre chacune de ces pièces, de façon différente selon le sujet qu’elle aborde, est que la violence est à la fois inévitable et injustifiable : pour changer ce monde où le meurtre est devenu monnaie courante, il nous faut recourir au meurtre. « Le meurtre nous renvoie donc au meurtre ». Ainsi, dans Caligula, il faut avoir recourt à un complot meurtrier pour se débarrasser de celui qui nie toute espèce d’importance à la vie humaine. Les victimes doivent utiliser les mêmes armes que leurs bourreaux.
Toutefois, pour contrecarrer cette violence, il faut absolument s’imposer des limites, indispensables pour préserver la justice et la dignité de l’homme. Ce sont Les Justes qui illustrent cela magnifiquement. En effet, dans le cas des « meurtriers délicats », le meurtre d’enfants constituera la limite à ne pas franchir pour ne pas devenir un simple meurtrier.
Il me semble donc qu’étudier « Camus au XXI e siècle » passe nécessairement par une étude de son théâtre dont j’aimerais souligner l’actualité

 

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