Anne Teulat
Cette communication
cherche à prouver la pérennité de Camus, dont les
idées, toujours actuelles comme le prouve le titre de ses recueils
d’articles, continuent à nourrir notre réflexion
sur l’éthique et Ia politique de ce XXIème siècle
naissant. En nous appuyant surtout sur ses articles, nous verrons que
Camus défend des valeurs humanistes intemporelles, car il s’intéresse
à un journalisme plus moral que politique, ce qui lui a valu
des critiques acerbes à son époque, mais lui permet aussi
de traverser les années.
Deux axes vont faire émerger la pertinence de l’écriture
camusienne au XXlème siècle : l’écrivain
livre dans ses articles pour L‘Express, publiés dans le
cadre de la guerre d’Algérie, un regard assez visionnaire,
annonciateur de notre siècle de barbarie fanatique. La quête
de la vérité, si chère à Camus, ne l’empêche
pas de se tromper parfois sur son temps : il saisit mal l’enjeu
de la revendication du peuple algérien, et lit dans sa volonté
d’indépendance une manipulation du monde arabe qui cherche
à étendre les frontières de son empire, risquant
par là de déclencher une troisième guerre mondiale.
Or, n’assiste-t-on pas, avec Ia vague d’attentats de ce
début de siècle, à un bouleversement mondial, lié
à une tentative d’extension rêvée par quelques
intégristes ? Après le 11 septembre, journalistes et écrivains
parlent en effet de choc des civilisations et Alexandre Adler voit «
finir le monde ancien ».
Outre son regard visionnaire, Camus propose surtout une véritable
éthique du journaliste. Ses articles pour Combat, après
la Libération, dressent un portrait acerbe et sans concession
de la presse française. De ses phrases acérées,
de son rejet d’un joumalisme démagogique, le lecteur de
journaux du XXIème siècle doit tirer des leçons
sur sa manière d’ appréhender l’actualité.
Lire Camus, c’est trouver un modèle de témoignage
et la définition idéale de ce mot: témoigner, c’est
écrire pour faire revivre, faire entendre ceux qui se sont tus,
et devenir leur porte-parole posthume. Luc Lang se revendique d’ailleurs
de cet héritage camusien dans son dernier roman, 11 septembre
mon amour.