Guy Dugas
‘Sénac-Camus
et la question du terrorisme durant la guerre d'Algérie’
Jean Sénac découvrit Albert Camus alors qu'il n'avait
pas vingt ans. C'est au sortir de la guerre 39-45 et le glorieux aîné
était auréolé non seulement de ses romans (ce n'est
pas ce que Sénac appréciait le plus en lui) ou de son
théâtre, mais surtout, aux yeux du cadet, de ses prises
de position dans Alger Républicain et Combat. Et puis, il était
pour l'heure, dans un Maghreb littéraire qu’il n'en finissait
pas de se chercher, le seul à avoir réussi outre-Méditerranée.
Camus de son côté se prend vite d'affection pour ce jeune
poête talentueux - qu'il ne tarde pas à appeler "
Mi Hijo ", d'une affection née de leurs communes origines.
Il lui fait connaitre René Char et le fait connaître chez
Gallimard, qui publient ses premiers Poèmes.
Mais la guerre d'Algérie va briser en quelques années
cette profonde et sincère relation : Albert Camus est vite horrifié
par le tour que prennent des événements dont il n'est
pas parvenu à cerner la gravité, éloigné
qu'il était alors de sa terre natale. Son initiative en faveur
d'une " Trêve civile ", dans les premières semaines
de 1956, vouée à l'échec - il va peu à peu
s'enfermer dans un silence jugé ambigu à l'égard
du devenir de l'Algérie. Pendant ce temps, Jean Sénac
prend fait et cause pour l'Indépendance, n'hésitant pas
à aider le FLN dans des initiatives violentes. Dès lors,
c'est vers la rupture, effective en 1957, que s'oriente leur relation
- malgré toute l'admiration du cadet pour l'aîné
et toute l'affection de Camus pour son fils spirituel.