Jørn Boisen

Camus fait partie de Ia première génération d’écrivains qui a dû affronter un monde sans transcendance. Les repères moraux hérités du passé lui semblaient dépassés, usés, faux, voire nocifs. Camus a ressenti avec une intensité toute particulière Ia crise de Ia civilisation européenne et Ia dissolution des anciennes valeurs. Avec Ia guerre de 14-18, en effet, le vieux monde a disparu dans un fracas retentissant, entraînant dans sa ruine toutes les certitudes spirituelles acquises. Nouveau-nés et survivants à la fois, les intellectuels de I’entre-deux-guerres ne pouvaient pIus trouver Ieur point d’appui dans Ia vieille humanitas. Sur toute cette génération plane Ie spectre du nihilisme. L’œuvre de Camus peut se définir comme une Iongue recherche de nouvelles valeurs capables de permettre Ie libre épanouissement de l’individu, mais aussi, à un niveau plus abstrait, de garantir sa dignité et ses droits. Son parcours est bien connu : il prend son départ dans un hédonisme à la fois tragique et joyeusement assumé, li passe par l‘engagement moral, Ie souci de I’autre, pour finir dans un désenchantement un peu énigmatique. Cette évolution ne doit cependant pas masquer Ie fait que ces éléments sont toujours présents ; il s’agit de fluctuations d’une même pensée.
La question que je me propose d’élucider est le rapport entre I’hédonisme, a priori égoïste et moralement irresponsable, et l‘engagement, qui implique un certain oubli de soi et peut aller jusqu’au sacrifice. Comment ces deux contraires peuvent-ils exister à I’intérieur d’une même pensée? Quels sont les raisonnements qui conduit de I’un vers lautre ? L’hédonisme peut-il, après tout, être altruiste aussi ?
Ces questions ont une résonance particulière dans notre ère postmoderne qui, entre autre, est marqué par la recherche effrénée du plaisir, mais également par I’envie de rendre le monde, qui semble traverser l‘espace vide sans aucun maître, plus juste et plus humaine

Lancaster Uni
Lancaster Uni
UCLAN
UCLAN